Compte-rendu du colloque sur la réception du concile de Moscou
"La réception du Concile de Moscou de 1917-1918" Institut Saint-Serge, 8-10 décembre 2017
Un grand colloque théologique et œcuménique sur « La réception du Concile de Moscou de 1917-1918 : Comment vivre et partager la conciliarité ecclésiale ? », coorganisé avec l’Institut d’études œcuméniques de l’Université de Fribourg (Suisse) et l’ACER-MJO (Paris), avec la collaboration de la revue de théologie orthodoxe Contacts, s’est déroulé du 8 au 10 décembre 2017 à l’Institut Saint-Serge, rassemblant plus de 120 personnes (dont de nombreux étudiants) autour de 18 conférenciers et 6 intervenants d’une table-ronde finale, venus de douze pays (France, Allemagne, Belgique, Chypre, Etats-Unis, Hongrie, Italie, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Suisse, Ukraine). Ce colloque en trois langues (français, anglais, russe), dont les débats ont été reconnus comme riches et stimulants, était enregistré partiellement par l’équipe du site d’information orthodoxie.com. Ses textes seront publiés dans la revue Contacts.
Vendredi 8 décembre, la séance inaugurale du colloque s’est ouverte par un discours d’accueil du Doyen de l’Institut Saint-Serge, l’Archiprêtre Nicolas Cernokrak, qui a souligné l’importance de l’événement célébré à l’occasion de ce centenaire, la nécessité de réfléchir à la réception du Concile panrusse de 1917-1918, et l’opportunité de cette collaboration académique avec l’Institut d’études œcuméniques de l’Université de Fribourg (Suisse), avec l’ACER-MJO et la revue Contacts. Un message avait été reçu de l’un des théologiens orthodoxes les plus reconnus, le Métropolite Kallistos Ware : « Je suis ravi d’apprendre que cet important colloque se tient à Saint-Serge les 8-10 décembre. Malheureusement, ayant déjà des engagements, je ne peux y participer. Je vous souhaite un plein succès à vos projets : que Dieu bénisse votre rencontre ! ». Une courte prière d’intercession a été adressée au saint patriarche de Moscou Tikhon, ainsi qu’aux pères du concile de Moscou de 1917-1918 qui, par la suite, sont morts en martyrs et confesseurs de la foi, victimes du régime soviétique. Puis la prière « Mémoire éternelle» a été chantée pour les Pères du Concile par tous les congressistes.
Dans la première session du colloque, consacrée à une introduction historique et présidée par Antoine Nivière (Université de Nancy, archiviste de l’Archevêché), Julia Balakshina (Institut Saint-Philarète, Moscou) a donné une communication sur « Le mouvement de renouveau ecclésial dans l’Église orthodoxe de Russie au début du 20e siècle ». Elle a rappelé la crise grave où, il y a un siècle, se trouvait plongée l’Église russe, celle-ci étant un rouage de l’institution impériale, les évêques nommés par le pouvoir n’ayant pas de légitimité. Puis, le fr. Hyacinthe Destivelle, o.p. (Rome), auteur du livre de référence Le concile de Moscou (1917-1918), Paris, éd. du Cerf, 2006, dans son intervention sur « Le Concile de Moscou comme «événement» ecclésiologique. Procédures, déroulement et principales décisions » a résumé les différents aspects de cet événement ecclésial d’importance, estimant que le concile était d’inspiration plus synodale que patriarcale. Enfin Hélène Beliakova (Institut d’histoire russe, Moscou) a présenté « les décisions ecclésiologiques du Concile », soulignant que l’idée même d’un concile comme réponse aux défis de l’époque avait été novatrice et courageuse.
L’après-midi a été consacré à l’ouverture de la deuxième session thématique du colloque, présidée par le p. Nicolas Cernokrak (Institut Saint-Serge) et consacrée aux débuts de la réception du Concile. Antoine Nivière (Univ. de Nancy), dans une communication intitulée « Le Concile de Moscou et l’organisation ecclésiale de la diaspora russe en Europe dans l’Église orthodoxe de Russie au début du 20e siècle », a brossé un exposé historique de la division de l’Église russe en diaspora en trois composantes ayant chacune une vision distincte de l’héritage du Concile de 1917-1918. Victor Alexandrov (Budapest) a présenté « L’héritage du Concile dans l’Archevêché des Églises orthodoxes russes d’Europe Occidentale dans l’Après-Guerre ». Ont suivi alors trois communication sur la réception ecclésiologique du Concile. Le p. Christophe D’Aloisio (Bruxelles), dans son intervention intitulée « Le Concile de Moscou et l’ecclésiologie du père Nicolas Afanassieff », a montré les réticences du père de l’ecclésiologie eucharistique envers plusieurs aspects du Concile. Empêché d’être physiquement présent, Paul Valliere (Indianapolis) a présenté en direct par télétransmission une communication sur l’évaluation du Concile par quelques penseurs de l’École de Paris : Boulgakov, Florovsky, Schmemann et Meyendorff . Enfin le p. Alexandre Siniakov (Séminaire russe, Paris) a montré la difficile et partielle réception des décisions du Concile en Russie soviétique et post-soviétique, le seul événement célébré cette année étant le rétablissement du Patriarcat de Moscou.
Samedi 9 décembre, s’est ouverte le matin la 2e partie du colloque consacrée aux débuts de la réception du Concile et présidée par Michel Stavrou (Institut Saint-Serge). Le père Robert Arida (Boston, OCA), a réfléchi sur « Le Concile et sa réception en Amérique ». Peter Scorer (Exeter, Royayme-Uni) a présenté en profondeur « L’influence du Concile sur l’organisation du diocèse de Souroge jusqu’en 2003 ». Dans sa communication intitulée « L’influence du Concile sur le renouveau des fraternités et des mouvements de laïcs orthodoxes », Cyrille Sollogoub (ACER-MJO) a montré le rôle important des fraternités dans la rénovation de l’Église russe au début du 20e siècle. Puis ont suivi trois communications offrant des études comparées entre les décisions ecclésiologiques du concile de Moscou et la conciliarité vécue dans d’autres Églises orthodoxes autocéphales. Goran Sekulovski (Institut Saint-Serge), dans sa communication sur « L’Église orthodoxe serbe et l’ecclésiologie du Concile » a exposé l’avènement de l’autocéphalie de l’Église de Serbie et son organisation. Georges Grigorita (Faculté de théologie orthodoxe de Bucarest) a retracé « L’Organisation de l’Église orthodoxe roumaine après la Première Guerre mondiale : entre influences occidentales et orientales ». Le métropolite Basile Karayiannis (Famagouste, Chypre) dans « La praxis du Patriarcat œcuménique et de l’Église de Chypre face à l’ecclésiologie du Concile de Moscou » a souligné la diversité du mode d’élection des évêques dans l’histoire de l’Église en fonction des contextes historiques, estimant que l’évêque, de par son ministère très particulier, ne devait pas être désigné par un État comme un simple fonctionnaire.
L’après-midi devait donner lieu à la 3e session thématique, présidée par Cyrille Sollogoub (ACER-MJO), consacrée à « Revisiter le Concile aujourd’hui selon diverses perspectives ecclésiologiques » et de dimension œcuménique. Le Fr. Hervé Legrand, o.p. (Paris), dans sa communication sur « Le Concile de Moscou : une synodalité au plus proche de la théologie du peuple de Dieu ? », s’est plu à montrer que le Concile de Moscou n’avait pas manifesté le démocratisme dénoncé par certains commentateurs. Barbara Hallensleben (Institut Œcuménique de Fribourg, Suisse) a présenté « Une relecture catholique des décisions ecclésiologiques du Concile de Moscou » en soulignant les différences entre synodes orientaux et occidentaux, les seconds étant plus consultatifs que délibératifs. Du côté réformé, Andreas Müller (Université de Kiel) a proposé une réflexion sur « Le Concile de Moscou : une réforme orthodoxe 400 ans après la Réforme. Un regard protestant ». Enfin Michel Stavrou (Institut Saint-Serge) dans une communication intitulée « Mémoire et réception orthodoxe du Concile de Moscou : un aiguillon pour vivre la conciliarité ecclésiale ? », a développé quelques aspects de la crise de la conciliarité orthodoxe diagnostiquée depuis longtemps par le p. A. Schmemann, et il a estimé que le Concile de Moscou, sans être irréprochable, était exemplaire à bien des égards, dans son souci de mobiliser tous les fidèles pour le culte, la vie ecclésiale et la mission chrétienne dans le monde, suivant la devise du père Nicolas Afanassieff : « Toujours tous et toujours ensemble ! »
Dimanche 10 décembre après-midi, avait lieu la 4e session thématique, portant sur « Le message du Concile de Moscou pour l’Église d’aujourd’hui » sous forme d’une table ronde modérée par le p. Alexis Struve (Kiev) et rassemblant des clercs et des laïcs membres de l’Archevêché des paroisses orthodoxes d’origine russe en Europe occidentale : p. Nicolas Cernokrak (Institut Saint-Serge), p. Jean Gueit (Marseille), Olga Lossky-Laham (Aberdeen), p. Peter Sonntag (Düsseldorf) et Daniel Struve (Paris). À travers un débat riche et animé entre les intervenants et avec la salle, un consensus s’est fait sur la nécessité reconnue de mieux faire connaître et appliquer les statuts de l’Archevêché dans l’esprit du Concile de Moscou de 1917-1918 : il s’agit de responsabiliser et d’associer avec les clercs tous les fidèles à la vie ecclésiale à ses différents niveaux : paroissial, diocésain et associatif sous la guidance de l’évêque.