L'histoire du mouvement
La naissance du Mouvement
La préhistoire
La première origine de l'ACER est liée à l'activité missonnaire protestante dans la Russie pré-révolutionnaire. Au début du siècle, alors que le courant positiviste rationnaliste en vogue au XIXème commençait à s'essoufler, on peut assister à un renouveau de la recherche spirituelle dans les milieux étudiants. Ce tendance encore très éloignée de l'Eglise, était plutôt attirée par le courant évangélique et les "salons" des missionnaires protestants d'origine américaine.
C'est dans cet esprit que se formèrent des "Cercles d'Etudiants Chrétiens" interconfessionnels dans les deux capitales, Saint-Pétersbourg et Moscou, puis dans de nombreuses grandes villes de Russie. En 1910 eut lieu en Finlande le premier congrès réunissant ces cercles, et en 1913 ils se fédérèrent sous le nom de Rossiskoie Studencheskoie Khristianskoie Dvijenie, traduit plus tard en français par : Action Chrétienne des Etudiants Russes, qui devint membre de la Fédération Universelle des Associations Chrétiennes d'Etudiants, la FUACE.
Après la révolution russe de 1917, ces cercles d'étudiants chrétiens se reformèrent dans les grands centres universitaires de l'émigration : Prague, Belgrade, Sofia, Paris… Beaucoup de leurs membres actifs venaient du mouvement qui avait pris naissance en Russie, comme par exemple A.I. Nikitine, L.N. Liperovsky, S. Shoukin, Mme Breche. L'organisation américaine Y.M.C.A (Young Men Christian Association), qui avait déjà joué un rôle important dans la formation de ces cercles en Russie, continuait son travail au sein de la jeunesse russe dans l'émigration, en particulier à Berlin. Une partie de ces étudiants redécouvrait peu à peu l'Orthodoxie ; ils s'intéressaient de plus en plus à une Eglise Orthodoxe qu'ils avaient délaissé dans leur pays d'origine, mais qui dans l'émigration n'avait plus la même place politique que dans la Russie pré-révolutionnaire.
C'est ainsi que durant la période qui a précédé le congrès fondateur de Pcherov, deux conceptions différentes du travail des cercles opposèrent les étudiants. Les uns souhaitaient garder ce caractère "interconfessionnel", en réalité d'inspiration protestante des "Cercles d'Etudiants Chrétiens" tandis que les autres voulaient s'orienter vers un travail à caractère strictement ecclésial et orthodoxe ; ce fut un thème de débats très vifs pendant cette période .
C'est dans ce climat qu'arrivèrent, après leur expulsion en 1922, les grands intellectuels acteurs du renouveau spirituel et théologique russe du début du siècle. Ils avaient connu l'esprit rationaliste et positiviste qui régnait en Russie à la fin du siècle dernier et en avaient été souvent d'actifs promoteurs. Ils en avaient cependant expérimenté la vanité et avaient redécouvert la richesse de l'Orthodoxie grâce à un cheminement personnel.
Dès leur arrivée dans les grands centres de l'émigration, ils se mirent au service des cercles aux sein desquels ils œuvrèrent pour le développement de la conscience ecclésiale au sens d'une Eglise ferme dans la plénitude de sa foi, mais ouverte sur les questions du monde qui l'entoure.
C'est ce renouveau spirituel et théologique mis en place par des personnalités parmi les plus brillantes de l'intelligentsia russe du début du siècle, qui constitue la seconde origine de l'ACER.
Le congrès de Pcherov (1-7 octobre 1923)
En 1922 et au début de l'année 1923 les contacts entre les cercles se multiplièrent, la nécessité d'une rencontre et d'un travail en commun était au centre de toutes les préoccupations. A l'initiative principalement d'A. Nikitine, membre du cercle de Sofia, fut décidé l'organisation d'un congrès des responsables des cercles de toute l'émigration russe à travers l'Europe en automne 1923. Ce congrès réunit au château de Pcherov en Tchécoslovaquie 33 délégués de la jeunesse ; plusieurs personnalités de la génération des "professeurs", père Serge Boulgakov, P. Novgorodtsev, A. Kartachev, N. Berdiaev, B. Zenkovsky ; les représentants étrangers de la FUACE et de l'Y.M.C.A, Miss Rous, Hollinger, Koulman, Lawry, ainsi que L. Liperovsky et L. Zander.
La préparation du congrès fut marquée par une opposition très forte entre la tendance "interconfessionnelle", envisagée par le comité d'organisation dont A. Nikitine avait pris la tête et la tendance plus enracinée dans l'Eglise du cercle de Belgrade, inspiré par B. Zenkovsky et père Serge Boulgakov. La question de la liturgie quotidienne à laquelle les partisans de la position "interconfessionnelle" étaient opposés provoqua une certaine tension entre les deux "camps". Finalement B. Zenkovsky et père Serge Boulgakov obtinrent l'autorisation de célébrer la liturgie avant le début du programme quotidien, à 6 heures du matin à la condition de réunir au moins 4 ou 5 personnes. Contre toute attente tous les participants se mirent à fréquenter ces liturgies matinales puis les offices du soir, également "hors-programme". D'une manière générale, l'opposition entre les deux tendances s'aplanit presque miraculeusement dès le début du congrès et le sentiment d'unité entre les participants et celui de leur enracinement et de leur responsabilité commune au sein de l'Eglise s'approfondit tout au long de la semaine qui suivit.
La ligne de travail, enracinée dans l'Eglise orthodoxe, était désormais claire pour tous. A la fin du congrès fut décidée la création de l'Action Chrétienne des Etudiants Russes comme fédération des cercles d'étudiants à travers l'Europe ; un bureau fut formé réunissant des représentants de chaque pays. B. Zenkovsky fut choisi comme président et L. Liperovsky comme secrétaire. Ainsi le premier congrès de Pcherov marqua la naissance de l'ACER en tant que telle, non seulement d'un point de vue formel, mais également d'un point de vue spirituel par son caractère exceptionnel qui fut vécu par chacun des participants comme une Pentecôte personnelle inspirant le Mouvement naissant.
Les contacts avec les mouvements protestants, notamment l'aide financière apportée par la FUACE, ne furent pas rompus pour autant, mais passèrent du niveau "interconfessionnel", au plan œcuménique comme enrichissement mutuel entre des personnes enracinées dans leur propre église et tradition spirituelle.